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Les perspectives pour la Suisse selon Helene Budliger Artieda

CCIG
Published on 26/09/2023
Feature articles

Dans un contexte international encore chahuté, la CCIG a souhaité dresser un état des lieux des perspectives économiques et commerciales qui se présentent à la Suisse. Pour cela, elle a rencontré Helene Budliger Artieda, secrétaire générale du Seco depuis le 1er août 2022. Ex-ambassadrice en poste dans de nombreux pays d’Afrique et d’Asie, elle a siégé à la direction du Département des affaires étrangères durant 7 ans.

 

Lors de votre prise de fonction il y a un peu plus d’un an, vous déclariez que l’économie suisse allait au-devant de grands défis : guerre en Ukraine, suites de la pandémie de Covid-19 et relations commerciales avec l’UE. Quelle est votre analyse aujourd’hui ?

Helene Budliger Artieda : L'économie suisse s’est une fois de plus montrée résiliente au cours des dernières années. En comparaison internationale, elle a relativement "bien" traversé les crises mentionnées. Au premier trimestre 2023, le PIB de la Suisse a connu une nette croissance, alors que celui de l'Allemagne, par exemple, a reculé. Les données disponibles à ce jour laissent toutefois présager une évolution plus faible durant le semestre d'été, en particulier dans le secteur industriel. Dans l'ensemble, la croissance de l'économie suisse devrait être inférieure à la moyenne cette année. L'environnement international reste difficile et les incertitudes demeurent importantes.

 

Avec un parcours plutôt atypique au sein du Département fédéral des affaires étrangères (employée de commerce, manager, diplomate puis secrétaire d’Etat), quel bilan plus personnel faites-vous après une année passée à la direction du Seco?

H.B.A. : Il est vrai que mon parcours était plutôt atypique pour le DFAE, mais mon expérience variée m’a beaucoup aidé dans mes fonctions et cela continue au SECO. Ma première année en tant que Directrice a été très enrichissante, notamment par les nombreux thèmes traités. J’ai été occupée par l’approvisionnement en énergie, la guerre en Ukraine, les relations entre la Suisse et notre plus grand partenaire économique, l'UE, les travaux en vue d'un accord de libre-échange avec l'Inde et bien d’autres choses encore. Cela a impliqué quelques déplacements internationaux, qui m’ont beaucoup rappelé mes années en tant qu’ambassadrice. J’ai pu avoir un précieux aperçu du contexte mondial, y renforcer nos relations avec les autres pays et donner un nouvel élan à notre travail. Mais le travail du SECO ne s’arrête pas seulement à la politique économique extérieur. Il est aussi référent pour la situation économique, la politique économique et la politique du marché du travail. Par exemple, dans le domaine de la promotion économique, l’un de nos derniers projets en date fut le lancement du site internet www.infrastructure-solutions.swiss. Cette plateforme fournit des informations ciblées aux exportateurs suisses, aux entreprises et aux autorités étrangères sur l'expertise suisse dans le domaine des solutions d'infrastructure. D’un point de vue plus personnel, je pense que mes nombreuses visites d'entreprises ont été très instructives. De Pilatus à Micron, j'ai pu voir de près les besoins et les défis des entreprises suisses. Et j'ai aussi participé à une inspection de chantier (coiffée d’un casque de protection !). Je suis reconnaissante de faire partie d'une organisation aussi compétente, avec des personnes faisant preuve de collaboration, d’ouverture d’esprit et ayant à cœur les intérêts de la Suisse.

 

Au dîner de clôture du Congrès qui a fait de Genève la capitale mondiale des chambres de commerce, du 21 au 23 juin dernier, vous avez prononcé un discours sur le multilatéralisme. Comment qualifiez-vous le rôle joué par le réseau des chambres dans le soutien au commerce extérieur?

H.B.A. : Le rôle des chambres de commerce est indiscutablement primordial. Pour le SECO, elles sont des partenaires clés, agissant en tant que porte-parole des communautés d'affaires mondiales. Leur capacité exceptionnelle à faciliter un dialogue constructif, à surmonter les obstacles et à cultiver la collaboration est cruciale pour encourager la coopération internationale. Je suis donc convaincue que les chambres de commerce jouent un rôle clé au service d'un ordre mondial pacifique et prospère. Elles agissent comme des catalyseurs de la croissance économique, favorisent la prospérité et promeuvent sans relâche les pratiques commerciales éthiques et la transparence, qui contribuent à la stabilité et à la confiance nécessaires à un tel ordre.

 

Les accords bilatéraux de libre-échange représentent un atout majeur pour la Suisse, dans un contexte où le multilatéralisme fonctionne au ralenti. Où en sont les négociations aujourd’hui ?

H.B.A. : Les accords de libre-échange revêtent en effet une importance de premier plan pour une économie ouverte et fortement intégrée dans les chaines de valeurs mondiales comme celle de la Suisse. Ces accords nous permettent notamment de préserver la compétitivité des entreprises suisses en éliminant ou prévenant les discriminations sur les marchés étrangers. Nous disposons aujourd’hui d’un vaste réseau de 33 accords avec 43 partenaires commerciaux, sans compter nos accords avec les pays de l'AELE et avec l'UE. Il reste cependant quelques lacunes importantes à combler. Nos priorités du moment sont de terminer les négociations en cours pour des nouveaux accords avec l’Inde, le Vietnam, la Thaïlande, la Malaisie et les pays du Mercosur. En parallèle, nous négocions actuellement la modernisation de nos accords existants avec le Chili, l’Union douanière Sud-Africaine, le Mexique et le Royaume-Uni.

 

Dans quelle mesure ces accords de libre-échange favorisent-ils la reprise des négociations avec l’UE ?

H.B.A. : Il s’agit de deux éléments distincts de notre stratégie de politique économique extérieure. Les Accords de libre-échange soutiennent la diversification et évitent des discriminations sur des marchés éloignés. L’UE reste notre partenaire-clé : elle représente 58% de notre commerce de biens, 40% du commerce de services. L’accès au marché de l’UE a été graduellement approfondi au-delà de l’accord de libre-échange de 1972. La reprise des négociations avec l’UE serait un soulagement pour nos exportateurs en permettant le développement des accords d’accès au marché. Le SECO contribue au déblocage de dossiers internes sensibles : Nous avons examiné avec les cantons le dossier des aides d’Etats, et constaté que des solutions pour un système eurocompatible sont possibles en Suisse et utiles du point de vue de la politique économique. Nous menons également des discussions avec les partenaires sociaux pour que le nouveau paquet garantisse le niveau de protection existant sur le marché du travail.

 

Vous avez tenu tête aux Etats-Unis en réponse à leurs reproches sur les sanctions suisses contre la Russie jugées trop faibles. Quelles sont vos relations avec ce grand partenaire aujourd’hui ?

H.B.A. : Les États-Unis sont l'un de nos partenaires les plus importants à l’échelle mondiale. Notre partenariat englobe bien plus que les questions commerciales. Personnellement, j’entretiens une bonne relation avec l'ambassadeur américain Miller. J’ai eu plusieurs discussions avec lui concernant les sanctions et j'ai personnellement reçu des mots de remerciement de sa part. Sur le plan technique, la collaboration entre les États-Unis et le SECO est également très bonne dans le domaine des sanctions.

 

Notre accord de libre-échange avec la Chine fête ses 10 ans. Depuis se sont immiscées les questions liées à l’environnement et au droit du travail. Comment se passent les négociations sur ces sujets fondamentaux ?

H.B.A. : Notre accord de libre-échange avec la Chine, en vigueur depuis 2014, est une pièce maîtresse de notre réseau. Il fonctionne bien et a bien servi notre économie depuis bientôt une décennie déjà. Cependant, comme pour tous les accords, il existe toujours un potentiel d’actualisation et d’approfondissement. Nous avons lancé avec nos partenaires chinois des discussions exploratoires dans ce sens. Nous nous trouvons à l’heure actuelle toujours dans cette phase d’exploration. Il s’agit de parvenir à un consensus sur la liste des sujets à réviser. L’approfondissement des dispositions liées à l’environnement et standards de travail fait partie des priorités de la Suisse. En même temps, ces sujets revêtent une certaine sensibilité pour la Chine. Les discussions se poursuivent.

 

La situation en Chine, et notamment son ralentissement économique, vous préoccupe-t-elle ?

H.B.A. : La croissance de l'économie chinoise a tendance à ralentir depuis 2007. Cela est en partie dû à la transition structurelle de l'industrie vers le secteur des services et à l'évolution démographique. Actuellement, l'affaiblissement de l'économie mondiale a également un impact négatif sur le commerce extérieur et la crise du marché immobilier affecte l'économie nationale. La reprise après les années de pandémie est moins vigoureuse que ne le prévoyaient la plupart des économistes. Le gouvernement a adopté quelques mesures de soutien. Dans l'ensemble, la Chine devrait connaître un développement relativement faible au cours des prochains trimestres. La Chine joue un rôle majeur dans l'économie mondiale. Près de 6% des exportations suisses de marchandises sont destinées à la Chine. Le SECO surveille donc attentivement l'évolution de la situation.

 

Un ALE est en cours de négociation avec l’Inde. Il revêt une importance clef pour nos entreprises. Cet accord est-il à bout touchant ?

H.B.A. : Les négociations avec l'Inde connaissent un fort regain d'intensité ces derniers mois et nous nous efforçons de faire en sorte que ces négociations aboutissent enfin cette année. Les perspectives sont plutôt bonnes car les deux côtés sont déterminés à trouver des solutions aux questions encore en suspens. La dernière ligne droite est cependant toujours la plus difficile et nous avons encore beaucoup de travail à accomplir pour parvenir au but. Nous fêtons cette année le 75ième anniversaire de la signature du traité d'amitié entre la Suisse et l'Inde. La conclusion d’un accord de libre-échange viendrait à point nommé dans ce contexte.

 

Parmi les missions du Seco, figure celle de simplifier la vie des entreprises et donc de nos entrepreneurs dont une des préoccupations majeures est la pénurie de main-d’œuvre. Quelles solutions préconisez-vous ?

H.B.A. : L'objectif du SECO est de fixer des conditions-cadres favorables pour faciliter la création d’emplois par les entreprises et rendre l’exercice d’une activité professionnelle attractif et accessible au plus grand nombre. La Confédération peut fixer un cadre légal, coordonner les tâches et fournir des informations. Dans un marché du travail qui fonctionne, les branches et les entreprises sont en concurrence pour attirer les meilleurs spécialistes. Gérer les pénuries de main-d'œuvre qualifiée est donc une tâche entrepreneuriale. Pour être attractives pour les travailleurs, les entreprises doivent offrir de bonnes conditions de travail.

 

La lutte contre la bureaucratie freine nos entrepreneurs dans la conduite de leurs affaires. Où en est le processus de numérisation en cours pour les entreprises, émanant de votre département ?

H.B.A. : Avec la loi fédérale sur l’allégement des coûts de la réglementation pour les entreprises et frein à la réglementation (LACRE), le Conseil fédéral propose d'étendre l'offre de prestations électroniques des autorités à EasyGov. Comme deuxième pilier, le Conseil fédéral veut renforcer la compétitivité des PME : la numérisation constitue l'une des priorités. Dans la politique en faveur des PME, la priorité est d’alléger la charge administrative pesant sur les entreprises en développant la plateforme EasyGov.swiss, le guichet virtuel central pour le traitement des transactions entre entreprises et autorités. Plus que 82'000 entreprises sont enregistrées sur EasyGov avec une forte croissance chaque mois. L'offre comprend actuellement 52 prestations d'autorités et sera encore élargie dans le futur.

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