La Genève de demain doit se construire vite et bien !
Dans le troisième volet du cycle « EnGEux d'actu : en quête de solutions », il était question d’aménagement du territoire via le prisme des entreprises. Une thématique qui a passionné l’auditoire en raison des problématiques qu’elle soulève pour construire la ville du futur.
« Dans la construction, on vit sur une temporalité de 15 ans à Genève », évalue Michèle Tranda-Pittion, architecte EPFL et fondatrice de Topos Urbanisme. Autant dire qu’il faut anticiper au mieux les échanges, si l’on veut éviter que des projets ralentissent en raison d’une concertation trop tardive. Pour cela, les vœux des maîtres d’œuvre, d’ouvrage et d’usage sont à prendre en compte.
Etablir son entreprise à côté d’une sortie d’autoroute, bonne ou mauvaise idée ? Cela dépend des cas. Plus une activité est lourde et périodique, plus on l’établira en périphérie urbaine. Plus elle est légère et quotidienne, plus le centre-ville a son intérêt. Il existe en fait trois typologies de zones professionnelles : celles des entreprises dites nuisibles en périphérie, celles des « tiers lieux » polyvalents dans la couronne extérieure et celles des entreprises mixtes en zone urbaine. La tendance est désormais de rapprocher les domaines d’activité pour qu’ils communiquent mieux et optimisent leurs surfaces. Mais les montages financiers d’un nouveau genre restent compliqués, car ils souvent calqués sur des modèles « à l’ancienne » qui n’avaient pas la même approche.
Qualité et dialogue en maîtres-mots
A la tête de Bricks AG, un gros constructeur-investisseur helvétique de logements, José Gonzalez a apporté son expérience de terrain. Selon lui, pour construire en vertu des incontournables lois d’aménagement, il faut miser sur la qualité et le dialogue. D’abord en ne pensant pas qu’à la qualité intrinsèque du logement, mais aussi à obtenir une ambiance conviviale de quartier. Puis en prenant au mieux en compte les desiderata de tous les acteurs concernés. Le discours actuel de densifier l’habitat pour gagner du terrain est souvent mal compris et perçu par la population. À Genève, la plupart des projets se font en zones de développement aux prix très cadrés par les règlements. Une souplesse accrue permettrait de gagner du temps.
Autre levier d’amélioration : la notion de « ville du quart d’heure », qui vise à rapprocher les lieux de travail et d’habitation. À cet effet, deux moyens existent : soit on les met côte à côte, soit on accélère leur liaison. Par ailleurs, la crise du Covid et la généralisation du télétravail ont bouleversé ce lien emplois / logements. Dans les années d’après-guerre, les autorités ont privilégié l’emploi au détriment du logement, puis on a inversé le ratio avant de revenir désormais à un quasi-équilibre. Le besoin de main-d’œuvre qualifiée pousse aujourd’hui à séduire les talents susceptibles de s’installer à Genève.
La multifonctionnalité à maîtriser
Mais comment rendre une densité désirable au plus grand nombre ? Pour Yves Cretegny, directeur général de m3 Immobilier, il s’agit de recueillir l’avis des anciens et des nouveaux habitants. Il en va de même pour les entreprises. Si on ne les accompagne pas bien dans un déménagement, on risque de les voir partir plus loin. « C’est là tout l’enjeu du PAV, qui nécessite du temps ». L’écueil est aussi de trop vouloir concevoir les nouvelles constructions par secteur d’activité. « C’est un défi à relever, relève Yves Cretegny, car on est confronté à deux défauts, la multifonctionnalité coûte cher et les catégories d’entreprises n’ont pas toujours les mêmes besoins ». Certaines PME se contentent en effet de petits espaces, alors que d’autres – telles que les recycleries – doivent garder certaines surfaces de stockage. Dans l’aménagement, on se heurte souvent à une législation lourde et à un financement déficient : « Il y a quelques décennies, l’activité commerciale finançait la construction des étages de bureaux, désormais c’est plutôt l’inverse ».
Le cas du PAV (Praille-Acacias-Vernets) est un peu particulier. En plus de l’ampleur remarquable de ce projet, la maîtrise du foncier est à 80% en mains publiques, ce qui favorise une certaine lenteur. « Mais il est dommage, remarque Yves Cretegny, qu’on perçoive souvent la mutation du PAV comme un boulet, alors qu’il s’agit d’une opportunité ». Michèle Tranda-Pittion, de son côté, recommande de « professionnaliser et recadrer encore les démarches pour que la population s’approprie les projets ».
Et que faire pour attirer de nouvelles entreprises ou des résidents venus d’ailleurs ? D’après Yves Cretegny, « c’est le marketing territorial qui doit être amélioré à Genève afin d’attirer les talents si précieux pour l’économie. A cet effet, il convient de raconter une histoire et de miser sur des lieux attractifs ». José Gonzalez, lui, abonde en ce sens, mais rappelle que l’éclatement des cellules familiales pousse déjà à penser à une nouvelle typologie de logements pour les habitants actuels.e plus longtemps. À Zurich, on produit par projets et ça marche, alors qu’à Genève, on n’y arrive pas, en raison d’une crainte d’octroyer des privilèges et d’une diversité particulière des secteurs ». « Dans notre canton, cette mixité des activités manque de visibilité, encore une Genferei ! », lance Yves Cretegny.
Et le développement durable dans tout ça ? Il est désormais partout, y compris dans la construction. Les critères ESG et la décarbonation font partie intégrante des processus à respecter. En conclusion, le patron de m3 Immobilier recommande que les acteurs concernés par l’aménagement travaillent davantage de concert pour parvenir rapidement à des résultats.
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