Des conditions cadres toujours favorables à Genève ?
La 15e Etude économique publiée par la CCIG et la BCGE, en collaboration avec l’OCSTAT, a pour objectif, en pratiquant une comparaison nationale et internationale, de donner une idée des avantages et des difficultés que rencontrent les entreprises genevoises pour exercer leurs activités. Cette étude montre que, si Genève dispose de réels atouts tels que dynamisme entrepreneurial, nombreuses possibilités de financement et vivier de compétences, une marge de progression demeure dans plusieurs domaines : fiscalité, infrastructures de transport ainsi que formation professionnelle.
Un dynamisme entrepreneurial avéré
Signe de sa capacité d’adaptation, l’importance relative des différents secteurs de l’économie genevoise a évolué au fil du temps. Les activités financières ont significativement décliné, surtout après la crise de 2007-2008, tandis que le négoce de matières premières a augmenté, jusqu’à représenter aujourd’hui environ 18% de la valeur ajoutée brute du canton. La taille de l’industrie chimique et pharmaceutique a presque doublé entre 2000 et 2021, passant de 1,6% à 3,1% ; l’horlogerie a, elle aussi, fortement gagné en importance durant cette période, sa part dans la valeur ajoutée brute augmentant de 2,4% à 4,2%. Le poids de ces secteurs reste cependant relativement modeste face à celui de l’ensemble des secteurs des services, qui représentent 84,4% de la valeur ajoutée brute du canton en 2021.
En 2019, 42’606 entreprises ont été créées en Suisse et 3’276 dans le canton Genève, correspondant respectivement à plus de 57’000 et 4’500 emplois. Près de 90% des entreprises créées se trouvent dans le secteur tertiaire et une grande majorité d’entre elles comptent moins de 5 emplois. Ainsi, Genève présente un taux de création d’entreprises comparable à celui de son voisin vaudois et supérieur au taux national (7,5%). Ce taux a globalement crû à Genève entre 2013 et 2019. Revers de la médaille toutefois, le taux de fermetures d’entreprises est également supérieur à la moyenne nationale.
Conserver une économie vigoureuse
Les données montrent donc une situation actuellement favorable. Mais comment s’assurer qu’elle le demeure ? C’est tout l’intérêt des « conditions cadres », soit l’ensemble des caractéristiques économiques, politiques, sociales et culturelles qui contribuent au développement économique d’une région en favorisant la création et la croissance des entreprises. Pour orienter la réflexion locale, il est apparu nécessaire de comparer les conditions prévalant à Genève à celles d’autres cantons et pays. La présente Etude – jamais réalisée auparavant s’agissant des conditions cadres genevoises – s’appuie en particulier sur une étude de l’Union européenne, et se focalise sur les conditions suivantes : conditions de marché et accès au financement, accès au capital humain et création de connaissances, taxation et réglementation, infrastructures et transport, culture entrepreneuriale et institutions.
Une grande économie pour un petit canton
Entre 2008 et 2019, le PIB genevois – utilisé pour mesurer la taille du marché – est passé de 49 à 55 milliards de francs (en francs de 2019), ce qui place le canton à la 4e place, derrière Zurich (157 milliards), Berne (83 milliards) et Vaud (60 milliards), qui sont des cantons bien plus grands et peuplés. En rapportant le PIB au nombre d’habitants, Genève arrive même au 3e rang suisse, avec 110’074 francs par tête, derrière Bâle-Ville (200’675) et Zoug (163’718) mais devant Zurich (102’861). La taille de l’économie genevoise est donc importante et croissante.
Pour les entreprises, l’accès au financement est considéré comme bon, notamment grâce au haut niveau d’expertise financière du pays. A Genève, les PME jouissent de surcroît d’un accès au financement facilité par un certain nombre d’institutions, telles que la Fondation d’aide aux entreprises (FAE), la Fondation genevoise pour l’innovation technologique (Fongit), la Fondation communale pour le développement des emplois et du tissu économique en ville de Genève (Fondetec).
Formations tertiaires académiques plutôt que professionnelles
Le capital humain, qui se définit comme le « stock de savoirs et compétences » qu’un individu possède, se mesure par le niveau, le contenu et la qualité de l’instruction reçue. En 2021, 33,8% de la population genevoise est titulaire d’un diplôme d’une haute école (alors que ce taux est de 32,7% au niveau national). Toutefois, la formation tertiaire professionnelle (Haute école spécialisée ou Haute école pédagogique) est largement moins prisée à Genève que dans le reste de la Suisse. Ce constat est également valable au niveau secondaire. À Genève, seul un tiers environ des jeunes s’est lancé dans une formation professionnelle initiale (CFC ou AFP) en 2020, alors que la moyenne suisse se situe aux alentours de 60%. De plus, la formation professionnelle genevoise se déroule majoritairement en école, tandis que le système dual en entreprise a la faveur des autres cantons, en particulier alémaniques. Cette répartition n’est probablement pas étrangère au taux de chômage structurellement supérieur dans le canton de Genève par rapport au reste de la Suisse.
Taux d’imposition peu attractifs
Le taux d’imposition et les moyens de sa réduction demeurent un instrument essentiel de la politique de compétitivité des territoires. Or, à certains égards, la fiscalité genevoise et l’état de ses finances publiques sont un frein à la compétitivité du canton. Les taux d’imposition du bénéfice varient entre moins de 5% dans les cantons des Grisons et de Zoug jusqu’à des taux supérieurs à 16% dans les cantons de Zurich, Bâle-Ville et Berne. Le canton de Genève, avec un taux d’environ 8%, se situe dans la moyenne. La situation est autre en ce qui concerne les taux d’imposition du capital ; variant d’un minimum proche de 0 pour le canton d’Obwald à 0,5% dans les cantons de Neuchâtel et du Valais. Genève, avec 0,4%, se positionne en queue de peloton. En outre, Genève est l’un des cantons les plus endettés de Suisse.
Des routes engorgées
Les auteurs de l’étude ont analysé la durée de trajet pour les pendulaires qui entrent à Genève pour travailler. Celle-ci s’établit à environ 30 minutes en moyenne pour les navetteurs intracantonaux et à plus de 50 minutes pour les navetteurs entrants d’un autre point de Suisse. Les durées de trajet sont donc relativement importantes, mais elles n’ont guère varié sur les dix dernières années.
Selon le TomTom Traffic Index, Genève apparaît à la 75e position des villes les plus engorgées, en 2021 (sur 404 villes de 58 pays différents). Par comparaison, Zurich est 77e, Lugano 93e, Lausanne 150e et Bâle 156e.
Le Léman Express, tout comme les lignes de tramway planifiées, constitue probablement une partie de la réponse au problème de trafic. L’enjeu est crucial au vu de l’accroissement de la population du Grand Genève.
Arbitrages potentiels
Les conditions cadres participent au dynamisme de l’économie genevoise et à la capacité des entreprises à y implanter leurs activités. L’importance des différentes conditions cadres varie cependant pour chaque entreprise, suivant son secteur d’activité ou d’autres caractéristiques. De même, il semble difficile d’améliorer l’ensemble des conditions cadres simultanément, par exemple alléger la fiscalité et améliorer les infrastructures de transport. Avant toute réforme, il est donc nécessaire d’évaluer la situation de manière globale, en prêtant attention non seulement aux effets directs mais également aux éventuels effets indirects.
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L’Etude économique sera présentée et discutée dans le cadre de l’Evénement économique le mardi 13 décembre 2022.
L’Etude économique 2022 a été rédigée par le professeur Giovanni Ferro Luzzi, le professeur Sylvain Weber, Thomas Bolognesi et Laurent Ott.
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