Pendant le Covid, Genève a su rapidement soutenir ses entreprises en péril
L’arrêt brutal des activités des entreprises au printemps 2020, puis une reprise saccadée, rythmée par les fermetures et autres jauges dictées par la situation sanitaire, ont rendu nécessaire le soutien financier des autorités. La CCIG s’est souvent exprimée sur ce sujet, mettant en lumière, à l’occasion, tel ou tel secteur qui passait « sous le radar ». Les autorités, fédérales et cantonales, ont bien entendu les appels. Loin des seules statistiques, il a paru intéressant de raconter comment le dispositif genevois pour les « cas de rigueur » s’était développé et comment il fonctionne aujourd’hui encore. Entretien avec le chef de projet, Kustrim Reka, attaché au développement économique à la Direction générale du développement économique, de la recherche et de l'innovation (DGDERI).
Dans quelles conditions les premières aides ont-elles été délivrées aux entreprises ?
À l’origine, les cas de rigueur ont été instaurés en septembre 2020 dans le but de soutenir certains secteurs dont on pensait qu’ils continueraient à avoir des difficultés même après la fin de la pandémie. Il s’agissait des forains, de l’événementiel, des agences de voyage, des entreprises de transport professionnel de personnes, des hôtels et des entreprises établies sur le site de l’aéroport. A cette époque, on sentait que même, s’il n’y avait que 20 infections identifiées par jour, les difficultés se poursuivraient pour ces secteurs.
À l’automne 2020, le sentiment des entreprises s’est modifié : si au printemps un prêt constituait une aide, à l’automne la perspective du remboursement freinait les entreprises. De plus, au même moment, l’impact de la crise sanitaire était devenu systémique.
Suite à l’action forte et rapide du Grand Conseil, les lois permettant de verser les aides existaient et le dispositif d’aide aux entreprises a pu être mis en œuvre dès le mois de décembre 2020, pour les six secteurs mentionnés plus haut. La mise en place s’est faite en une quinzaine de jours. Genève a ainsi été l’un des tout premiers cantons suisses à verser les aides pour cas de rigueur.
Dès janvier 2021, les autorités cantonales déclaraient ces aides ouvertes à tous les secteurs. La période pour laquelle une entreprise pouvait solliciter une aide s’est étendue au fil de la pandémie : après une période initiale de 12 mois, deux semestres supplémentaires se sont ajoutés, puis le premier trimestre 2022. Au total, 27 mois auront été couverts.
En pratique, comment s’est déroulée l’analyse des dossiers ?
Il y a eu tout d’abord deux étapes dans le traitement des dossiers. En premier lieu, l’analyse de l’entreprise pour savoir si elle répondait aux critères (confrontation des pièces justificatives fournies et des indications saisies dans le formulaire), ensuite, l’évaluation de l’aide qui devait être versée. Chaque dossier est vérifié deux fois, voire trois, ce qui nous rend assez sereins quant à la justesse de la décision qui est rendue. D’ailleurs, sur près de 800 réclamations, plus de 600 ont abouti à un statu quo.
Au début tout a été fait à l’interne ; on estimait que ce serait plus lent d’externaliser. Il faut bien avoir à l’esprit que la vitesse de versement de l’aide était absolument cruciale. 25 personnes (23 analystes et 2 personnes plus « senior » ayant des compétences en gestion de projet) ont donc été engagées sur la base d’un CDD et formées, et des locaux ont dû être trouvés. Une fois le rush passé, vers avril 2021, un système informatique de traitement plus élaboré a été mis en place et a donné lieu à l’attribution de mandats externes spécifiques, par exemple lorsqu’il s’agissait de situations financières complexes. L’équipe a compris jusqu’à 30 personnes, dont un maximum de 15 externes au second semestre 2021. Au premier janvier 2022, l’équipe a été réduite à 6 personnes, mais l’ouverture d’une nouvelle période de trois mois a rendu nécessaire de la porter à nouveau à 10 personnes.
Il faut aussi relever que nous avons bénéficié d’une aide précieuse de la part de la Cour des comptes qui, dès le mois de février 2022, a proposé de nous accompagner. Ses compétences nous ont été précieuses et les éléments apportés, très utiles. Le rapport intermédiaire de son intervention a déjà été publié (https:/tinyurl.com/examen-cdc) et le rapport final est prévu pour l’été 2022.
Que reste-t-il à faire ?
Aujourd’hui, le traitement des 18 premiers mois (c’est-à-dire jusqu’à juin 2021) est terminé. Le formulaire relatif au premier trimestre 2022 sera en ligne jusqu’au 31 août 2022 et ce sont potentiellement quelque 3500 entreprises qui pourraient solliciter une aide. Puis, des contrôles a posteriori seront encore effectués pendant 9 à 12 mois, afin de nous assurer que l’utilisation des aides a été conforme.
Enfin, que restera-t-il de cette période ?
À l’issue du processus, il ne restera rien de matériel du dispositif mis en place. Demeurera le sentiment d’un travail bien fait, qui a répondu à un besoin des entreprises de notre canton. À titre personnel, j’ai acquis des compétences nouvelles pendant cette période, ayant rédigé pas moins de 7 projets de loi. Pour la DG DERI, il reste un savoir-faire augmenté, pour lequel tous les processus sont documentés.
Le dispositif genevois
Le dispositif vise à prendre en charge des coûts fixes que les entreprises genevoises ne peuvent pas assumer en raison de leur perte de chiffre d'affaires ou de l'absence de revenus lié à une obligation de rester fermées. A ce jour, 550 millions de francs ont été attribués aux entreprises du canton sous forme d’aide à fonds perdus. De cette somme, 110 millions sont à la charge du canton, dont plus de 50 millions sont dus à la décision de Genève d’élargir le cercle des bénéficiaires, par rapport aux critères définis par la Confédération. À mi-avril 2022, 8100 demandes ont été reçues, émanant de 3260 entreprises, qui représentent environ 10% des entreprises du canton.
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