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OUI à l’abolition d’une taxe qui pénalise les entreprises

Mohamed Atiek
Posté le 17/01/2022
Article du CCIGInfo

Le 13 février prochain, le peuple suisse sera amené à se prononcer sur la suppression du droit de timbre d’émission. Celui-ci porte préjudice aux entreprises dès lors qu’il taxe le versement de fonds propres, notamment lors de l’émission de nouvelles actions. C’est pourquoi la suppression des droits de timbre doit figurer au premier plan des réformes fiscales à venir. Cet objectif mérite d’autant plus d’être poursuivi qu’au niveau international fleurissent des tentatives dont la finalité serait de procéder à une réallocation des recettes fiscales issues de l’imposition des entreprises. Il est donc dans l’intérêt de la Suisse de faire en sorte que les entreprises trouvent leur intérêt à y implanter des activités opérationnelles.

Il existe trois catégories de droits de timbre : le droit d’émission (sur l’émission de papiers-valeurs), le droit de négociation sur le commerce de papiers-valeurs et le droit de timbre sur les primes d’assurance. En 2019, ils ont rapporté 2,2 milliards de francs à la Confédération.

Les milieux économiques réclament depuis de nombreuses années une réforme de ces droits bientôt centenaires. Le 13 février prochain, le peuple sera amené à se prononcer sur la suppression de l’un de ces trois impôts, le droit de timbre d’émission, qui s’élève à 1%. Il grève les versements de fonds propres (contre l’émission de nouvelles actions, par exemple). Chaque année, 2200 entreprises sont concernées, dont 80 à 90% de PME. Il existe certes une franchise d’un million de francs, mais elle ne s’applique qu’une seule fois à l’ensemble du cycle de vie d’une entreprise. Même dans de petites structures, ce montant est rapidement dépassé. Pratiquement toutes les sociétés commerciales, industrielles ou de services, grandes ou petites, sont touchées lorsqu’elles injectent des fonds propres pour leur création, pour financer des investissements ou pour combler un déficit.

Un coup de pouce bienvenu

En moyenne, le droit d’émission rapporte à la Confédération 250 millions de francs par an environ, soit 0,35% de ses recettes. Ce faible rendement est à mettre en regard des dommages causés. En effet, le droit de timbre d’émission est un poids pour les entreprises, d’autant plus actuellement avec les difficultés générées par la crise du coronavirus. Les secteurs fortement touchés par la pandémie ont asséché leurs réserves. Les crédits ne sont pas une solution car, en cas de surendettement, la faillite menace. Les entreprises sont donc tributaires de contributions privées, qui sont frappées par le droit de timbre d’émission. Il est absurde de taxer des consolidations financières qui se font par ailleurs aux frais et aux risques des investisseurs.

Paradoxalement, le droit de timbre d’émission favorise l’endettement, car aucune taxe n’est due sur les emprunts (crédits, prêts). Il s’agit donc d’un non-sens du point de vue économique, puisque les capitaux propres constituent justement une réserve importante pour les périodes de crise, renforçant les entreprises, assurant leur survie et le maintien des emplois. Disposer de fonds propres en suffisance est une condition légale pour toutes les entreprises. Le principe est le même que pour les ménages qui acquièrent un logement : une part de fonds propres est obligatoire. Les entreprises qui n'ont pas suffisamment de fonds propres sont considérées comme surendettées et doivent déposer le bilan.

Des recettes élevées précisément en période de crise

En période de conjoncture favorable, les recettes des droits de timbre sont plutôt modérées. C'est justement dans les années de crise que la taxe a enregistré des recettes particulièrement élevées. Par exemple en 1998 (crise asiatique/russe), en 2001 (éclatement de la bulle Internet), en 2008/09 (crise des subprimes) ou en 2015 (abolition du cours minimum de l'euro). En raison de la crise Covid, 2021 se traduira également par des recettes élevées. Selon l'Administration fédérale des contributions, le niveau des recettes à fin septembre, soit 221 millions de francs, dépasse déjà nettement celui de 2020.

Cela s'explique par le fait que les entreprises en difficulté doivent reconstituer une importante partie de leurs fonds propres. Ce sont elles qui ont besoin de tels apports par des investisseurs privés. Le droit de timbre intervient à ce moment, en pesant sur les recapitalisations nécessaires et souhaitables. La taxe aggrave donc les crises et provoque des dommages économiques durables.

Les start-ups pénalisées

Le droit de timbre d’émission pèse également sur les start-ups. Le financement par fonds propres ainsi que la levée de fonds sont déterminants lors de la création d’une start-up. Par ailleurs, nombreuses sont celles qui ont un énorme besoin de capital au cours des premières années. En général, elles ne peuvent obtenir de crédits bancaires en raison des risques, parfois accrus en début de vie de ces entreprises, souvent innovantes. Elles dépendent donc pour leur croissance des fonds alloués par des investisseurs privés qui assument ces risques. Taxer les fonds investis dans l’innovation ne peut donc être que nuisible.

Une taxe en voie de disparition

En raison de ces effets économiquement contre-productifs, la plupart des États ont supprimé depuis longtemps ce genre d’impôt. Selon l’institut BAK Economics, seuls le Japon et la Corée du Sud appliquent encore des taxes analogues sur le capital propre. En Europe, seules la Grèce et l'Espagne prélèvent un impôt comparable.

Projet de réforme fiscale internationale

Une réforme fiscale internationale sur la taxation des entreprises se prépare depuis un certain temps au sein de l’Organisation pour la coopération et le développement économiques (OCDE). Son objectif est d’arriver, par consensus, à quelques règles communes sur l’imposition des entreprises. Un projet reposant sur deux piliers a abouti.

Le premier pilier vise à encadrer les pratiques des sociétés numériques qui n’ont pas de présence physique dans les pays où elles opèrent. Afin d’éviter que ces sociétés installent leur siège dans un pays à faible imposition tout en opérant numériquement dans les autres pays, le premier pilier prévoit la possibilité de transférer les droits d’imposition vers les États où elles opèrent. Ainsi, les entreprises dont le chiffre d’affaires annuel dépasse 20 milliards d’euros et dont la marge bénéficiaire est supérieure à 10% devront déclarer une partie de leurs bénéfices dans la zone du marché numérique et non uniquement dans l’Etat de leur siège. En Suisse, cela devrait concerner un très petit nombre de grandes entreprises.

Le second pilier prévoit l’instauration d’un taux d’imposition minimal d’au moins 15% pour les entreprises internationales dont le chiffre d’affaires annuel est supérieur à 750 millions d’euros. Quelque 200 entreprises suisses et un nombre important de filiales helvétiques de groupes étrangers dépassent cette limite.

 

Si cette réforme devait voir le jour, elle pourrait, certes, à très court terme, engendrer des recettes supplémentaires. Mais elle entamerait également l’attractivité fiscale de la Suisse vis-à-vis des entreprises, avec le cortège de conséquences qui en découleraient (départs d’entreprises et délocalisations d’emplois). La suppression du droit de timbre d’émission – qui ne dépend, lui, que de la seule volonté du souverain suisse – contribuerait au contraire à offrir une respiration aux entreprises.

 

Ce texte a été rédigé avec la contribution d’economiesuisse.

 

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