Quel avenir pour l’innovation à Genève ?
Cette année, c’est sur le principal vecteur de croissance économique, l’innovation, que porte l’Etude économique annuelle réalisée sur mandat de la CCIG et de la BCGE, en collaboration avec l’OCSTAT. Si la Suisse et Genève disposent de nombreux atouts pour favoriser l’innovation, des efforts certains doivent être consentis pour faire tomber les barrières, qu’elles soient économiques ou mentales, qui la brident. C’est à un tour d’horizon approfondi, rédigé par Aline Yazgi, que se livre cette étude, présentée aujourd’hui lors du Séminaire économique.
Pas de salut économique sans innovation
Identifiée par l’OCDE comme étant le facteur dominant de la croissance économique nationale, l’innovation constitue une thématique spécialement importante pour notre économie qui repose, tant au plan cantonal que national, sur des produits à forte valeur ajoutée.
Pour rappel, l’innovation, au sens strict du terme, est un processus qui transforme une idée en valeur économique. Autrement dit, elle amène sur le marché une plus-value par rapport à l’existant. Elle ne marque pas obligatoirement une rupture, elle peut aussi consister en une amélioration substantielle de l’existant.
La Suisse bien positionnée…
La Suisse figure depuis des années en tête des classements sur l’innovation, en raison de la qualité de sa recherche et développement, de son système de formation, du nombre de brevets déposés, de la force de ses PME et de la présence de multinationales, principalement.
Ainsi, les montants consacrés à la recherche et au développement atteignent près de 3% du PIB, mettant la Suisse au sixième rang des pays investissant proportionnellement le plus dans leur R&D. A noter toutefois que cette activité se concentre dans quelques secteurs (pharma notamment) et dans les grandes entreprises. Particularité helvétique : les trois quarts de ces frais sont supportés par l’économie privée, l’un des plus hauts taux de l’OCDE. Le dispositif d’encouragement public est quant à lui limité. En outre, l’aide publique à l’innovation n’est pas versée aux entreprises, mais aux instituts de recherche collaborant avec ces dernières.
… mais sans garantie pour l’avenir
Cette position de leader est bien entendu réjouissante. Son maintien futur n’est toutefois pas garanti, d’une part en raison des efforts réalisés à l’étranger, d’autre part – et c’est plus grave – en raison de ses propres faiblesses. Ainsi, presqu’aucune mesure fiscale n’existe pour encourager l’innovation ou ceux qui veulent la financer. Il est en outre difficile de trouver en Suisse des fonds de croissance pour les start-up, alors qu’il y a suffisamment de fonds d’amorçage. On note également un manque d’intérêt pour l’économie numérique, non pas en termes d’infrastructures, qui sont excellentes, mais en termes d’utilisation et, surtout, de prise de conscience.
Genève peut mieux faire
Genève partage avec la Suisse la très grande majorité des points forts précités. Son côté très international constitue en outre un vrai avantage pour le brassage d’idées.
Malgré cela, le canton ne se place pas dans le trio de tête des cantons innovants. Spécialement pour cette étude, le KOF a isolé, dans sa dernière enquête sur l’innovation (2013), les chiffres concernant Genève. Il en ressort que seules 18,7% des entreprises ont mis sur le marché de nouveaux produits, contre 31,8% en moyenne suisse. La différence est encore plus importante pour les innovations de processus : 4,7% contre 19,2%.
Il n’empêche, Genève compte de nombreuses sociétés très innovantes et la conjonction d’organismes d’aide de qualité et complémentaires, de la Genève internationale, qu’elle soit privée (multinationales) ou publique (organisations internationales), et d’une volonté politique avérée crée un terreau propice à l’éclosion de nombreux projets novateurs. Les secteurs des sciences de la vie, des technologies financières, de la sécurité des données numériques ou encore de la culture digitale sont autant de creusets d’innovations.
L’argent : nerf de la guerre
A Genève comme en Suisse, les principaux freins à l’innovation sont constitués par les coûts. Les causes en sont multiples : les projets d’innovation sont chers (main-d’œuvre, locaux, propriété intellectuelle) et aggravés par la force du franc suisse. Les dépenses de R&D ne sont pas incitées fiscalement et les innovations ne s’amortissent que sur une longue période. La mauvaise situation des finances publiques genevoises ne permet pas au canton, du moins jusqu’à présent, d’accorder autant d’aides à l’innovation que ne le font d’autres cantons, tels Vaud. De même, le capital-risque continue également à manquer, malgré une amélioration récente de la situation, et il est avant tout dirigé vers les biotechnologies et les technologies médicales.
A cela s’ajoute le fait que les métiers technologiques n’attirent guère : à Genève, le taux de diplômés dans le domaine des sciences et de l’ingénierie est plus faible que dans les autres cantons.
Un état d’esprit à créer
L’innovation n’est pas qu’une question de moyens. L'aversion au risque est grande en Suisse. Il s'agit donc de faire naître une véritable culture de l’innovation et de favoriser, surtout chez les jeunes, le goût d’entreprendre. Pour cela, par exemple, l’échec devrait être moins stigmatisé.
Les échanges entre des acteurs aux profils très différents stimulent fortement l’inventivité. Dans le canton, il s’agira en particulier de démultiplier les contacts entre la Genève locale et la Genève internationale.
Les quatre types d’innovation distingués par l’OCDE :
- l’innovation de produit,
- l’innovation de procédé (nouvelles méthodes de production ou de distribution),
- l’innovation de commercialisation (notamment changements significatifs de conception, de conditionnement, de placement ou de tarification)
- l’innovation d’organisation (par exemple, organisation du lieu de travail ou nouvelles pratiques, telles que l’économie collaborative).
L’étude est disponible en ligne à l’adresse www.ccig.ch/publication et sera présentée et discutée dans le cadre du Séminaire économique le jeudi 3 novembre à 15 h à Palexpo. Ce séminaire est organisé conjointement par la Chambre de commerce, d’industrie et des services de Genève (CCIG) et la Banque Cantonale de Genève, avec la contribution de l'Office cantonal de la statistique.
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