Le plus grand vivier de compétences de Genève
Si le taux de chômage genevois est risible en comparaison européenne, Genève se classe souvent en queue de peloton au plan suisse. Le ratio emplois/actifs de 136%, caractéristique de ce canton, fait en outre du chômage une question politique récurrente. Quel rôle l’Office cantonal de l’emploi peut-il jouer dans la réduction du taux de chômage ? Rencontre avec son nouveau directeur général, Charles Barbey.
Charles Barbey, en poste depuis le 1er août 2014, n’aime pas qu’on lui demande quelle est sa vision personnelle pour l’Office cantonal de l’emploi (OCE). Pour lui, l’impulsion est donnée par le chef du département et les objectifs sont clairs : transformer un service administratif en une entreprise publique performante au service des demandeurs d'emploi. Cela implique d’améliorer le service et d’optimiser les processus. « Il n’y a rien de cosmique là-dedans », sourit Charles Barbey, « cela s’est fait ailleurs ! ». |
Concrètement, 15 jours après leur inscription, les demandeurs d’emploi doivent avoir défini, au minimum entamé les démarches pour la définition de leur projet professionnel avec leur conseiller et reçu leur « plan d’action » pour se réinsérer. La production de celui-ci implique le recours à une nouvelle fonctionnalité du système informatique, opérationnelle depuis quelques semaines. « La moitié des postes en entreprises sont pourvus grâce au réseau personnel de relations», souligne M. Barbey, « pour l’Office, il s’agit donc bien de donner en priorité aux demandeurs les moyens de retrouver un emploi et non pas de le leur procurer ». Et de souligner que rechercher un emploi est un véritable job à plein temps : une étude de l'Observatoire Universitaire de l'Emploi de Genève, réalisée en 2013, a montré que la majorité des chômeurs consacrent seulement une à deux heures par jour à la recherche d’un emploi, alors que huit heures sont nécessaires.
Réduire le dommage
Charles Barbey rappelle volontiers que l’OCE est d’abord une assurance, dont l’objectif est de réduire le dommage causé par le chômage. On est donc loin de la vision paternaliste qui a prévalu, par exemple, dans les débats liés au vote sur la modification de la loi sur le chômage d’avril 2005.
L’égalité de traitement, imposée par la loi fédérale sur l’assurance-chômage (LACI), caractérise la mission de service public, celle-ci doit s’appliquer à tous les demandeurs d’emploi du canton, mais aussi entre chômeurs des différents cantons. Pour cette raison, la relative clémence dont Genève a fait preuve à l’endroit des demandeurs d’emploi qui ne respectaient pas les obligations auxquelles ils étaient soumis, telles que se présenter pour certains postes « assignés » par le conseiller en placement, est de l’histoire ancienne.
Valoriser le capital humain
Le premier objectif de l’OCE est l’identification des compétences des personnes. « On place des professionnels, qualifiés pour la majorité d'entre eux. », dit Charles Barbey. Il s’agit de valoriser le capital humain, tant des demandeurs d’emploi que des conseillers. Car il ne faut pas oublier que ce sont eux qui recommandent les « mesures du marché du travail » (voir encadré) ; l'OCE doit identifier les meilleures prestations au meilleur prix (fournisseurs des cours et formations, p.ex.) et les conseillers donner la bonne mesure au bon moment (aux demandeurs d’emploi).
Mesures du marché du travail
Le Secrétariat d’Etat à l’économie définit ces mesures comme « visant à prévenir le chômage imminent et à combattre le chômage existant. » Elles doivent soutenir la réintégration rapide et durable des assurés sur le marché du travail, améliorer l'aptitude au placement, promouvoir les qualifications professionnelles des chômeurs en fonction des besoins du marché du travail, diminuer le risque de chômage de longue durée, ainsi que permettre aux assurés d'acquérir une expérience professionnelle.
Concrètement, il s’agit par exemple de cours, de stages pour acquérir une première expérience professionnelle, d’occupation temporaire, voire de participation au salaire durant les premiers mois de travail.
L’OCE emploie actuellement 120 conseillers en personnel qui suivent chacun, en moyenne, 120 à 125 demandeurs d’emploi, proportion qui est dans la norme au plan suisse. Les conseillers sont devenus des généralistes. Il s’agit donc de trouver le bon équilibre entre pratique analogue pour tous les demandeurs d’emploi (égalité de traitement) et personnalisation, chaque personne étant, par définition, un cas unique.
Service aux entreprises
L'OCE aide les entreprises à pourvoir leurs postes vacants, par le biais de son service employeurs, créé en 2010. Ce dernier travaille en étroite collaboration avec l'Office régional de placement (ORP). Après l’annonce du poste, le délai de réponse est fixé à 48 h. Les prestations de l'OCE sont gratuites pour l’entreprise. Une entreprise a-t-elle pour autant avantage à annoncer ses postes vacants à cet Office ? Charles Barbey est catégorique : « L’OCE est le plus grand vivier de compétences de Genève. Nous voulons encore renforcer notre capacité à les identifier, à les valider et les valoriser. Les compétences indiquées sur le CV du candidat qui a passé par nos services doivent être vérifiées.» Dans certains cas, elles ont même préalablement été évaluées par un organisme spécialisé mandaté par l'OCE, p. ex. pour les langues, les technologies de l’information, le commerce, la bureautique, ou encore la banque. Selon son directeur, « la valeur ajoutée de l’OCE est de procéder à une sélection des candidats et de ne proposer que ceux qui ont véritablement les compétences demandées. » Seuls certains profils hautement spécialisés, tels que les postes académiques, ont peu de chances d’être recrutés au travers de l’OCE.
Outre l’identification de candidats, l'OCE permet aux entreprises de bénéficier de l’une ou l’autre des facilités financières prévues par la loi. On peut citer l’allocation d’initiation au travail (AIT, voir encadré), qui intervient lors d’un engagement fixe, lorsqu’un candidat a besoin d'une formation à sa place de travail avant d'être complètement opérationnel, ou l’allocation de retour en emploi (ARE) ou encore l’allocation de formation.
L’allocation d’initiation du travail (AIT)
Du 1er au 2e mois 60 % du salaire brut
Du 3e au 4e mois 40 % du salaire brut
Du 5e au 6e mois 20 % du salaire brut
Créer le « réflexe OCE »
L'un des enjeux actuels, pour l’OCE, est de créer l’habitude, chez les entreprises, d’annoncer leurs postes vacants à l’Office. L’une des manières de susciter ce réflexe est de s’assurer que les candidats que l’OCE propose répondent au profil demandé : « il en va de notre crédibilité », dit Charles Barbey. « Aujourd’hui, on place selon les compétences professionnelles et sociales, et plus selon la fonction ». Le directeur observe toutefois que les employeurs attendent désormais un cumul des compétences, p. ex. un technicien doit avoir des compétences de vente et de conseil. Et, bien entendu, outre les diplômes, une certaine expérience est jugée nécessaire.
De son côté, le Conseil d’Etat a « amorcé la pompe » d’une part de la directive sur la préférence aux chômeurs résidents et, d’autre part, avec le label « 1 + pour tous » (voir encadré). Pour les services du « petit Etat », qui sont concernés depuis 2011, il s'agit d'un véritable changement d'état d'esprit. Pour les institutions de droit public et autres entités subventionnées, la demande formelle d'appliquer strictement la directive datant de novembre 2014, il est encore trop tôt pour pouvoir parler de résultats et il sera difficile d'avoir des chiffres représentatifs avant plusieurs mois, ce d'autant que plusieurs facteurs exogènes ou la conjoncture économique peuvent également influencer les résultats.
Projets de collaboration avec le secteur privé
L’OCE a mis en place, depuis 2011, des stages de requalification pour demandeurs d'emploi en collaboration avec des entreprises du secteur privé, semi-privé ou public. D'autres partenaires comme l'Office pour l'orientation, la formation professionnelle et continue (OFPC), de même que des écoles et des associations professionnelles, participent à ces projets.
Le principe consiste à permettre à des personnes peu ou pas qualifiées de suivre une formation, en vue, le plus souvent, d'obtenir tout ou partie d'une qualification, tout en effectuant un stage pratique en entreprise. Dans de nombreux cas, il y a des emplois à la clé. Ainsi, des stages aboutissant à une attestation fédérale de formation (AFP) d’aide de soin et accompagnement ont été organisés et mis en œuvre avec les HUG, des EMS et des cliniques privées. D’autres, réalisés avec des fiduciaires de la place, visaient le certificat de formation continue de comptable ou, en partenariat avec un grand horloger, l’AFP d’opérateur en horlogerie.
Depuis 2011, près de 640 demandeurs d'emploi ont pu participer à ce type de stages. Le taux moyen de réinsertion (prise d'emploi pendant le stage ou juste à son terme) démontre l’efficacité du système puisqu’il s'élève à 62,6%.
Label "1+ pour tous"
Ce label est décerné aux entreprises genevoises qui embauchent des chômeurs de longue durée ou en fin de droit. Remis pour une période de deux ans par le Département de l'emploi, des affaires sociales et de la santé (DEAS), il permet aux entreprises de valoriser leur engagement en faveur de l’emploi. Créé en 2012, ce label a joui dès le départ d’un soutien des milieux patronaux. Réunis sous la forme d’un comité de pilotage, ils ont contribué, ainsi que la Fondation Philias, à la création et au lancement de ce label.
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