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Pénurie de logement : une issue est-elle possible ?

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Posté le 14/07/2014
Articles de fond

Depuis plus d’une génération, le marché du logement genevois est tendu. Un changement de législation et une simplification des mesures administratives permettraient cependant d’améliorer grandement la situation.

 

Résultante de la conjonction de divers facteurs, parmi lesquels un fort accroissement démographique et une sclérose galopante de la construction de nouveaux appartements, cette situation a engendré des effets pervers. La rareté se répercutant sur le prix, les loyers des logements changeant de locataire ont subi des pressions à la hausse et nombreux sont les habitants du canton qui se sont exilés par-delà la frontière, participant au mitage du territoire dans le Genevois français et à l’accroissement des mouvements pendulaires.

 

Compte tenu des développements immobiliers prévus dans le canton au cours des dix prochaines années et de la durée du processus de réalisation des options d’aménagement, la pénurie est appelée à perdurer. Il importe par conséquent de s’interroger sur le modèle de production des logements, afin de mettre en adéquation l’offre et la demande.

 

Un objectif incontournable : l’accroissement de l’offre

 

Il n’y aura pas de détente en l’absence d’une hausse significative de la production de logements et celle-ci ne se concrétisera qu’au travers d’un faisceau de mesures qui, mises en place de concert, auront l’effet escompté.

 

En premier lieu, la vision de l’aménagement ne peut plus se réduire à des plans localisés de quartiers (PLQ) « timbre-poste ». Les projets doivent s’inscrire dans un environnement plus large, permettant mixité et économie d’échelle. Pour d’évidentes raisons d’efficience, l’Etat doit avant tout se concentrer sur les grands projets, au nombre de dix dans le canton. La question du sort à réserver aux très petits périmètres (beaucoup de temps investi par l’administration pour peu de logements construits) doit être posée. Une approche pragmatique de ces dossiers, en s’appuyant sur les compétences des acteurs de la construction, pourrait offrir une alternative très positive à l’obligation de contrôle accru de l’Etat.

 

Tous les acteurs de la construction doivent mettre sans retenue leurs forces dans la bataille. Or, la situation actuelle fait que les communes rechignent souvent à s’engager dans des projets de développement en raison des coûts qui leur incomberont. Outre la viabilisation des terrains à bâtir (canalisation, voiries), elles auront aussi la charge de mettre à disposition de nombreux bâtiments publics (école, crèche, maison de quartier, etc.) sans disposer, pendant plusieurs années, de rentrées fiscales supplémentaires.

 

Une solution serait la constitution de syndicats d’économie mixte, public-privé, qui auraient pour mission de « préparer le terrain » et de le remettre, prêt à être construit, au promoteur (public ou privé) des bâtiments (voir encadré ci-dessous).

 

Accélérer le processus

 

Enfin, il ne peut y avoir d’augmentation significative de l’offre de logements sans une accélération du processus d’élaboration des plans d’aménagement et du traitement des autorisations de construire.

 

S’agissant de l’aménagement, les plans directeurs de quartier (PDQ) deviennent parfaitement inutiles au vu de la durée de traitement des PLQ. Ces derniers reprennent le dossier de zéro et plusieurs années peuvent facilement s’écouler avant leur adoption. La prise en compte de la réalité foncière et économique du périmètre concerné est par ailleurs insuffisante, causant de fréquents échecs au moment de la mise en œuvre du plan.

 

Pour les autorisations de construire, la problématique a été identifiée comme prioritaire par l’Etat, qui a mis en place des objectifs de performance mesurables, s’agissant des délais de traitement. Il pourrait par ailleurs envisager, pour absorber les pics de demandes, d’externaliser l’instruction de certaines demandes, à l’image de ce qui a été mis en place pour les expertises techniques de véhicules. Des consortiums de prestataires privés et professionnels pourraient traiter le dossier, la synthèse et l’autorisation restant de la compétence étatique.

 

Un changement de paradigme ?

 

L’acte de construire est complexe. Il importe dès lors que l’ensemble des acteurs tire à la même corde. Des difficultés récurrentes liées à la disponibilité foncière ou au financement des projets (infrastructures communes, délais d’immobilisation des capitaux) sont constatées. Imaginer un organe intermédiaire, facilitateur, notamment pour la mise à disposition de terrains constructibles – à l’image de la Fondation pour les terrains industriels, pour le secteur secondaire – pourrait permettre de réduire l’incertitude qui accompagne actuellement chaque projet.

 

De même, la définition des objectifs de la politique publique « logement » devrait laisser les coudées franches aux entrepreneurs. Or, actuellement, ceux-ci restent chaperonnés par l’Etat, qui s’immisce de manière déraisonnable dans le détail de plans financiers, là où la seule définition d’objectifs de surfaces de logement et de loyer, en laissant libre cours à l’inventivité des constructeurs, aurait d’excellents résultats pour un rapport qualité-prix supérieur. Une ouverture dans ce domaine tiendrait compte de la spécificité des bâtiments, mettrait en œuvre les nouvelles technologies de construction et ferait la promotion de nouvelles typologies adaptées à la demande.

 

Cadre ou carcan ?

 

Peu de temps après avoir pris la responsabilité du département de l’urbanisme, François Longchamp, à l’occasion de plusieurs discours, relevait avec effarement que plus de cent lois et règlements régissaient l’acte de construire à Genève. Un tel corpus législatif va au-delà du simple cadrage nécessaire, pour devenir un carcan au sein duquel il devient quasiment impossible de se mouvoir. Outre l’absence de fantaisie des bâtiments construits, engendrée par cette foison de contraintes, la multiplication des règles conduit à des coûts de réalisation inutilement élevés. Il est urgent de simplifier l’arsenal législatif, réglementaire et d’adapter les directives administratives afin d’accompagner les projets plutôt que les contraindre.

 

Et les rénovations ?

 

L’état d’entretien du parc immobilier locatif genevois est alarmant. Il souffre d’un retard patent et aucun indice ne laisse à penser qu’une inversion de cette tendance soit sur le point de s’amorcer.

 

Entreprendre des travaux de rénovations lourds sur un immeuble, s’il n’est pas possible de les rentabiliser, n’a aucun sens économique. Or, à Genève, la loi sur les démolitions, transformations et rénovations (LDTR) fait primer l’objectif de maintien de loyers bas sur toute autre considération et n’autorise des loyers après travaux que de CHF 3405.- la pièce, selon arrêté du Conseil d’Etat. A titre de comparaison, le prix à la pièce des logements d’utilité publique (LUP), en zone de développement, se situe aux environs de CHF 5000.-…

 

Se pose également la problématique du gaspillage énergétique. 50 % de la consommation d’énergie étant liée à l’utilisation des bâtiments, une action publique volontariste devrait se manifester dans ce domaine. Or, seule la possibilité de rentabiliser son investissement peut inciter le propriétaire (privé ou institutionnel) à engager des frais conséquents pour améliorer la qualité de son bâtiment, gain dont le locataire profitera directement. Malheureusement, là encore, le bon sens et le pragmatisme se heurtent au texte de la LDTR.

 

Dans les cas de rénovation, lorsqu’il y a conflit entre différentes normes juridiques – visant à protéger des intérêts pouvant se révéler divergents – il apparaît nécessaire d’apporter pondération et pragmatisme.

 

Voie médiane

 

Il existe vraisemblablement une voie médiane entre les positions extrêmes des divers acteurs du secteur immobilier. Quelques pistes, avant tout empreintes de pragmatisme, pourraient être suivies et amorcer un cercle vertueux. Il convient de rendre à l’acte de construire ses lettres de noblesse et son sens primaire : donner un toit à chacun. La CCIG soutiendra les efforts déployés par l’Etat pour lutter efficacement contre la pénurie de logements dont Genève souffre depuis trop d’années.

 

Encadré

 

Jean Yves Coste, Directeur du développement immobilier, chez Losinger Marazzi

Entretien avec Jean Yves Coste, Directeur du développement immobilier, chez Losinger Marazzi.

 

La société d’économie mixte : une solution genevo-compatible ?

 

Depuis quelques années, le coût des infrastructures « techniques » (canalisations, voiries, parkings, etc.) et « publiques » (écoles, maison de quartier, crèches, etc.) s’est fortement accru et rend difficile la réalisation des projets. Faut-il changer la manière d’envisager l’aménagement et la répartition des rôles entre les différents acteurs ?

 

Plusieurs périmètres agricoles ont été ou vont être prochainement déclassés pour devenir constructibles et ainsi offrir au Canton l’opportunité de produire plus de 30 000 logements dans les 20 prochaines années. Compte tenu de la taille de ces périmètres, les pouvoirs publics sont confrontés à une problématique majeure : comment financer les dépenses d’infrastructures nécessaires à tout quartier ?

 

Ceci étant posé, je pense en effet que les responsabilités peuvent être réparties différemment. Un véhicule ad hoc qui a fait ses preuves en Europe, la société d’économie mixte composée d’actionnaires publics et privés, devient l’aménageur et le développeur immobilier de ces quartiers. Il conçoit, finance et réalise toutes les infrastructures nécessaires à la collectivité, produit des bâtiments et commercialise des droits à bâtir. Toutes les démarches foncières, administratives et juridiques s’opèrent en lien étroit avec les pouvoirs publics et dans le plus grand respect des lois en vigueur.

 

Comment fonctionne ce modèle et pensez-vous qu’il a une chance d’être adopté à Genève ?

 

Dans une société d’économie mixte, il est souhaitable que la collectivité publique conserve la majorité. A ses côtés, des actionnaires privés apportent des ressources et participent activement à toutes les démarches. Cette société mixte se rémunère in fine en vendant des droits à bâtir aménagés. A terme, la contribution financière de la collectivité publique peut se conclure à coût nul. Quant à l’impact sur les prix de revient et les loyers, ce modèle ne génère pas de dépense supplémentaire car, en tout état de cause, les dépenses d’infrastructures finissent toujours par se retrouver dans le prix des ouvrages ou dans les charges des résidents.

 

Eikenott, GlandPrenons l’éco-quartier Eikenøtt à Gland qui totalise 485 logements. Le projet a porté les dépenses induites par les infrastructures et ces dernières ont été préfinancées par le développeur immobilier. A chaque étape, la commune de Gland a fixé les objectifs publics et été impliquée dans le processus décisionnel. Ce partenariat est une belle réussite de travail en commun et a permis de créer un éco-quartier de référence en quelques années.

 

A Genève, les acteurs publics semblent beaucoup plus réticents au partenariat avec le privé. Sans doute les collectivités craignent-elles de perdre la maîtrise du résultat. En fait, la réussite se concrétisera par la capacité des acteurs à définir précisément les objectifs à atteindre dès l’origine du partenariat. De plus, il est vraisemblable que le corpus législatif genevois nécessiterait quelques adaptations pour clarifier les compétences en matière d’aménagement entre le canton, les communes et les acteurs privés.

 

Que peut-on attendre de la collaboration entre les secteurs public et privé ?

 

Celle-ci apporte des ressources supplémentaires, tant humaines que financières. Les expériences réussies permettent d’offrir un savoir-faire et des compétences à mettre au service des développements de quartier.

 

Je suis convaincu que nos intérêts sont convergents : produire des logements de qualité à prix maitrisés dans des délais raisonnables pour les mettre à disposition de la population genevoise.

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